Le Docteur Encausse, par Phaneg

Phaneg, de son vrai nom Georges Descormiers (1866-1945), a été un ami fidèle de Papus et un disciple de Monsieur Philippe. Ce texte a été publié pour la première fois dans la revue "Le Sphinx - Nice", du 2 mai 1920.

Hommage à Papus

Rendre un dernier hommage au Maitre Vénéré disparu matériellement de la Terre, est pour le pauvre disciple, pour l'ami sincère que j'espère avoir été, une bien grande joie dont je remercie le directeur de cette revue.

Tous les gestes, toutes les pensées d'un tel homme, ses moindres paroles eurent toujours pour objet d'être utile, de servir ; aussi c'est encore à vous, âmes douloureuses, âmes inquiètes, cœurs en proie aux affres de la lutte terrestre, c'est à vous que je pense en écrivant ces lignes. En vous faisant connaître un peu notre guide, je vous oriente en réalité vers celle Lumière Définitive qu'il avait comme concentrée en lui, et qu'il répandait si largement, sans compter son temps ni ses peines. Et ce dernier hommage sera, en même temps une œuvre utile peut-être dont son esprit, dans les pays spirituels qu'il habite, se réjouira un instant.

J'ai écrit en 1909 la biographie de Papus, je ne veux pas me répéter, en la résumant.

Ce n'est pas de l'homme officiel, de l'occultiste, du médecin connu, du fondateur de sociétés, du conférencier charmeur, de l'écrivain fécond, que je voudrais vous parler, mais de l'être intime mystérieux, qui est resté incompris de la masse : c'est son cœur rempli d'un amour immense pour les hommes que je désire ouvrir devant vous. Ce sont les sources de ses pouvoirs et de ses dons que je m'efforcerai de vous faire entrevoir.

Et, après vous avoir parlé simplement de celui qui fut mon ami, mon guide vénéré, j'essayerai en quelques lignes de vous faire comprendre les causes de son évidente supériorité, de son action extraordinaire sur les hommes, et je signalerai ouvertement en terminant, la route suivie par lui, route ouverte du reste à tous les hommes de bonne volonté auxquels Paix soit donnée sur la terre.

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Le docteur Papus était un homme simple donnant l'impression de la force, dans tous les plans : force physique terrible et peu connue, car il la dissimulait comme toutes ses supériorités ; force intellectuelle révélée par le front immense et les yeux inoubliables ; force spirituelle se dévoilant à tous par une charité inépuisable, une bonté vraie.

Son premier geste, quand je le connus eu 1891, fut un don ; son dernier acte, en quittant la terre, fut pour moi encore un don et le plus précieux de tous ; ceux-là en devineront l'importance qui ont trouvé la Porte basse et la Voie étroite.

Oui, Papus eut toutes les charités, et la plus méritoire, celle qui lui faisait donner ce qu'il n'avait pas : le temps !

Malgré une vie dont toutes les secondes étaient comptées, il trouva toujours le moyen de satisfaire les innombrables demandes des cœurs angoissés qui venaient à lui.

Il eut surtout le dévouement intérieur, le don complet de lui-même à chaque malade ou à chaque désespéré. Il sut porter, avec sa croix qui n'était pas légère, celle des autres, et là doit se trouver sûrement une partie de son secret.

Resté très parisien de Montmartre, d'allure parfois vulgaire, impénétrable au moment même où l'on croyait le comprendre, obéissant à des mobiles inconnus de tous, Papus, par une sorte d'ascétisme, se faisait volontairement mal juger. Nul homme, peut-être, plus calomnié, nul qui ait aimé la calomnie, qui s'y soit, pour ainsi dire complu davantage. Nul plus haï, mais nul aussi plus aimé quand on l'avait compris. Initiateur en apparence bénévole, en réalité très prudent, il ne laissait qu'à bon escient entrevoir la Vérité qu'il voulait enseigner. Ses facultés mystérieuses qu'on a attribué à la clairvoyance, mais qui provenait, j'ai des motifs sérieux de le croire, d'une clairaudience presque objective, en faisaient du reste un bon guide et un conseilleur inspiré.

En écrivant sa biographie j'ai cité des exemples nombreux de guérisons et de clairvoyance. Je ne veux pas les répéter ici. Je désire faire comprendre son cœur et son activité. Je voudrais que dans ce portrait hâtif ses amis le reconnaissent, que les autres aient l'impression de l'homme vraiment extraordinaire qu'a été Papus.

Faut-il faire justice ici des calomnies dont cet être de bonté et d'intelligence a été abreuvé ? A quoi bon : à l'exemple de son Maitre, il avait pardonné et son cœur meurtri supportait en silence le poids de la haine et de la vengeance, impuissantes, du reste, à hâter d'une seconde son Destin.

Pour ceux qui savent, je dirai ici solennellement ma foi : Papus était gardé et entouré ; il ne pouvait être atteint qu'avec la permission du ciel.

Je n'espère pas avoir donné à ceux qui ne l'ont pas connu autre chose qu'une impression. Je sais combien il est difficile de faire comprendre un homme si exceptionnel. Qu'on veuille bien ne voir dans ces lignes qu'un hommage suprême, une dernière pensée.

Et maintenant je veux vous dire un mot de ses dernières années. Elles furent dignes de sa vie. Médecin-Major, chef d'une ambulance pendant la guerre qui vient de se terminer, il se donna tout entier à son travail patriotique. Il sut y apporter sa clarté, sa méthode. Il a laissé des études sur le service de santé qui portent l'empreinte de son talent habituel. Dire son dévouement inlassable à ses blessés, à ses malades, malgré sa santé déclinant chaque jour, serait possible seulement à un de ceux qui furent ses collaborateurs.

Retiré du service actif, pour raison de santé, atteint déjà par la tuberculose contractée au front, son organisme, usé par 33 animées d'un travail surhumain ne put résister. Achevé par un séjour dans une usine de gaz asphyxiants, Papus rentra à Paris pour y mourir. Le mercredi 25 octobre 1916 il se rend à l'hôpital de la Charité pour y consulter un ami ; il monte les escaliers et tout à coup chancelle, crache du sang en abondance et tombe. On accourt. Il était mort, simplement, là où il avait commencé sa carrière médicale.

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Et maintenant, je vais tenir ma promesse et dire nettement d'où venaient à Papus tant de force et de lumière.

A l'aurore de notre civilisation, se dresse une figure gigantesque, celle du Christ-Jésus. Eh bien, Papus l'aimait et l'avait reconnu. Voilà tout son secret. Il avait compris la véritable identité de celui dont le nom fait plier les genoux à toute créature sur la terre et dans le ciel ; il reconnaissait en Lui, le Chef absolu, le Guide Suprême, le Pasteur des Pasteurs, l'Ami Incomparable dont les mains puissantes soutiennent si tendrement ceux qui ont enfin entendu son appel séculaire.

Et dans ce cœur immense, lumière et vie centrale du monde, Papus puisait ces consolations justes, ces conseils précis, ces forces guérissantes, ces secrets enfin qu'il distribuait à son tour à tous les souffrants. Disciple de Être Ineffable dont le bonheur est dans le don complet de Lui-même et de Sa vie, il savait que plus on Lui demande, plus le Christ est heureux, et plus II donne. Il connaissait en son cœur que plus il donnerait plus il recevrait, et cela dans tous les plans.

Voilà, lecteurs amis, la source où l'amis trouvait toujours tout ce qui lui était nécessaire, malgré le nombre énorme de ceux qu'il a aidés.

Il appartenait à une École qui possède la tradition Orale de l'Évangile, jamais interrompue jusqu'à nos jours, et qui vient dire à tous : « Ne détruisez pas, par les fausses lumières du mental, les enseignements Merveilleux que vous transmets l'Évangile ; prenez au pied de la lettre ces paroles définitives de votre Initiateur : Je serai avec vous jusqu'à la consommation des siècles. Si vous gardez ma Parole, mon Père vous aimera et nous ferons chez vous notre demeure. Jésus vit avec nous ; non seulement c'est Sa Vie qui circule dans ce malheureux en haillons que vous secourez, mais qui sait ? c'est peut-être Lui-même ! car cela Il l'a dit aussi ».

Tel fut, au point de vue spécial où je me suis placé, ce grand cœur qui a tant aimé les hommes qu'il leur a vraiment donné sa vie, par lambeaux et toutes ses forces, et toute sa science réellement vivante parce qu'elle était tout amour.

Permettez-moi, vous qui lirez avec sympathie, je l'espère, ces pages de bonne foi, permettez-moi de vous demander une chose : Toutes ces idées sont plus que des images passagères, ce sont vraiment des créatures vivantes ; eh bien, ne les repoussez pas a priori, donnez-leur un asile en votre cœur et attendez qu'elles vous parlent dans le silence. Peut-être vous révèleront-elles un jour les Vraies Lois de la Vie.

PHANEG
Le Sphinx - Nice, 2 mai 1920

Source

L'Initiation, numéro 3 de 1981, pages 131 à 135 [Télécharger - Source : L'Initiation]