Hommage à Papus, 27 octobre 2019

Texte de l'hommage prononcé par Christian G. sur la tombe de Gérard Encausse1, dit Papus, le dimanche 27 octobre 2019.

Hommage à Papus

Chers amis de Papus, chères Sœurs, chers Frères,

La demande qui m’a été faite par notre Frère Emilio Lorenzo, de m’exprimer sur le lien qui m’unit à Papus, comment je l’ai rencontré, ce qu’il m’apporte, en ce jour de commémoration du 103ème anniversaire de sa désincarnation, me touche particulièrement. Evoquer Papus avec vous, chers Sœurs, Frères et amis, vous qui cheminez avec lui depuis de fort nombreuses années, vous qui le connaissez, sans aucun doute bien mieux que moi, et ici, devant sa sépulture où il repose auprès son fils, le Docteur Philippe Encausse et de son épouse Jacqueline, m’emplit d’une grande émotion, d’autant que ma première commémoration ne remonte qu’à 2016. Je mesure aussi ma responsabilité dans cette lignée d’orateurs qui se sont succédé exactement à la même place depuis maintenant 63 ans. C’est en effet en 1956 que la revue L’Initiation fait état de l’hommage rendu à Papus par les membres de la Respectable Loge Papus de la Grande Loge de France le 25 octobre 1956 au Père Lachaise, exactement 40 ans après sa désincarnation.

Je ressens, à cet instant, un lien encore plus fort avec Papus, mais aussi avec vous, puisqu’ici la même reconnaissance à son égard nous unit.

Pourtant, mon attachement à Papus n’a pas toujours été aussi fort. Les moments de recueillement, sont souvent propices aux confidences. Alors, il est à la fois juste et important pour moi de le dire en ce lieu, ma première rencontre avec Papus n’a pas suscité un grand enthousiasme, et l’exprimer ainsi est un euphémisme.

Il y a maintenant de fort nombreuses années, qui se comptent même par dizaines, dans une autre vie pourrais-je dire, je suis tombé sur une photo de Papus. Vous savez, cette photo prise dans l’arrière-boutique de la librairie du Merveilleux qui faisait office de salle de réunion des activités martinistes vers 1890. Cette photo où l’on voit Papus poser dans un décor martiniste combiné à des éléments égyptiens et d’autres encore, me fit plutôt penser à cette époque à un magicien dans une fête foraine. Quel manque de connaissance, de respect et surtout d’humilité. Qui étais-je pour juger ainsi sans connaître et aussi rapidement ? Cette question je la pose aujourd’hui mais à l’époque, elle ne m’a jamais effleuré l’esprit. Alors, je me suis détaché de cette photo de Papus, pour regarder dans une autre direction. Aujourd’hui, j’ai l’assurance qu’à ce moment-là, c’est plutôt Papus qui s’est détaché de moi.

Mais voilà, la Voie est tenace, ou plutôt généreuse. C’est avec une infinie bonté qu’elle peut nous offrir une seconde chance. C’est ce qui s’est produit il y a quelques années, lorsque notre Frère Dimitri m’approcha pour me parler du martinisme, de l’Ordre Martiniste, du véritable Ordre Martiniste, celui créé par Papus m’a-t-il dit. Il s’agissait là, j’allais rapidement le découvrir, d’un signe de la Providence à plus d’un titre. Qu’il me soit permis ici de la remercier de nous avoir guidé, avec Anne, mon épouse qui allait devenir ma Sœur, vers l’Ordre Martiniste, vers Papus, vers vous.

Aujourd’hui, lorsque je regarde de nouveau cette photo, je ressens une admiration mais surtout une grande reconnaissance vis-à-vis de celui qui a tant œuvré pour que nous puissions mettre nos pas dans les siens et dans ceux de ses Maîtres.

Ce n’est donc que depuis le début de mon engagement récent au sein de l’Ordre Martiniste que j’ai commencé à découvrir Papus à travers son « Traité élémentaire de science occulte » écrit alors qu’il n’avait que 23 ans et qu’il fondait en même temps l’Ordre Martiniste. J’ai été impressionné, par le foisonnement des thèmes développés et par la force qui s’en dégage. Ce fut un peu comme pour la photo dont je viens de parler mais avec le regard ému d’aujourd’hui. La première lecture a été un peu difficile au regard de la multitude de thèmes abordés. Une deuxième lecture de points particuliers, puis des recherches plus ponctuelles au gré de mes travaux m’ont permis de mieux le comprendre ou plutôt de mieux recevoir ses propos inspirés, peut-être parce qu’ils entraient en résonnance avec moi en cette période charnière de mon cheminement. C’est en effet à ce moment-là, que la relation à « plus haut que nous » a pris dans ma vie une dimension beaucoup plus profonde et un propos de Papus a marqué un tournant décisif dans mon engagement spirituel. Je souhaite le partager avec vous, il concerne le pardon.

Voici ce que nous dit Papus : « Le pardon volontaire est donc bien la méthode d’appel à la Providence la plus merveilleuse qui nous ait été révélée ». Cette phrase extraite du chapitre sur l’ésotérisme du Pater Noster rappelle le lien intime qui existe entre le pardon volontaire, qui ne dépend que de nous, et la prière. Prière d’ailleurs si chère à Papus puisqu’il nous écrit, ici-même sur sa tombe, « la prière est un grand mystère et peut, pour celui qui perçoit l’influence du Christ, Dieu venu en chair, permettre de recevoir les plus hautes influences en action dans le Divin ». Maître Philippe, que Papus considérait comme son Maître spirituel, nous donne lui aussi une clé lorsqu’il nous dit « Dieu n’est jamais loin de nous, c’est nous qui nous tenons loin de lui ». Peut-être un mot sur cette relation entre ces deux hommes de foi. Papus disait de Maître Philippe : « Il m’a appris à essayer d’être bon ; il m’a enseigné la tolérance envers tous et pour les défauts d’autrui ; la nécessité de ne pas dire du mal, la confiance absolue en le Père, la pitié pour la douleur des autres. Voilà pourquoi j’essaye de remuer un peu l’humanité, de répandre autour de moi quelques idées qui ne proviennent pas de mon cerveau et de propager les deux grandes vertus qui nous viennent du ciel : la Bonté et la Tolérance ». Puissent ces deux grandes vertus nous guider aussi dans notre cheminement et dans notre relation à autrui.

Un autre moment important dans ma découverte de Papus, a été le colloque du 22 octobre 2016 consacré au centenaire de sa mort. Après deux réunions de cercle, participer à ce colloque fut un grand moment. La qualité des intervenants, des chercheurs reconnus pour la qualité de leurs travaux, la diversité de leurs apports, mais aussi leur complémentarité, m’ont permis de cerner un peu mieux notre Maître, de mesurer la portée de son œuvre et la force de l’engagement dont il fit preuve dans ce monde.

Sur son engagement, je souhaite élargir mon propos initial en y intégrant des éléments de la conférence d’hier, qui entrait également dans le cadre de ces journées Papus. Jean-Marie Fraisse, historien, est intervenu sur l’action de Gérard Encausse et de Nizier Philippe, Maître Philippe de Lyon, dans les coulisses de la grande Histoire, de la France à la Russie : « Deux Français à la cour de Russie et au cœur de l’alliance franco-russe ». Lors de cette conférence, Jean-Marie Fraisse nous a fait le plaisir de traiter, notamment, l’épisode qui a vu Papus et son maître se rendre à la cour de Russie au tout début XXème siècle. Pour cet épisode important de l’Histoire, le conférencier nous a également fait découvrir une facette méconnue de Papus lorsqu’il signait, sous le pseudonyme Niet, dans le journal de L’Echo de Paris, des articles très engagés politiquement et lourds de sous-entendus sur des évènements dramatiques de l’époque.

Son large engagement, et les actes qui ont conduit à sa désincarnation suscitent chez moi le plus grand respect. Papus était médecin-chef d’une ambulance et à ce titre soigna avec autant de dévouement les soldats Français et Allemands. Par l’abnégation dont il fit preuve, au front tout comme dans son activité civile de médecin en soignant tous ceux qui se trouvaient en détresse physique ou morale, il quitta de monde en ce jour du 25 octobre 1916, sur les marches de l’hôpital de La Charité, un nom qui lui allait si bien, illustrant de la plus belle manière ces versets du Lévitique et de Matthieu, Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Cet engagement de Papus, homme de cœur, de devoir et d’action, selon les mots de Philippe Encausse, nous montre, ô combien, la recherche spirituelle n’a de sens que si elle est mise au service des autres. Papus ne nous disait-il pas Dieu nous a créés pour que nous accomplissions en lui la spiritualisation du Néant ?

Nos liens avec nos Maîtres passés, avec ceux qui guident nos pas, se renforcent encore lorsque nous avons la chance de ressentir leur présence à travers un objet ou dans un lieu. Pour illustrer ce point, je souhaite partager avec vous deux expériences.

La première se renouvelle très régulièrement à chaque fois que je pénètre dans le temple de l’Ordre Martiniste de Paris. Lorsque je vois, que je touche ce fauteuil sur lequel Papus était encore assis en ce matin du 25 octobre 1916, je ressens sa présence émouvante.

La seconde expérience remonte à la Convention de Lyon de 2018, ou plutôt en marge de la Convention. Un petit groupe avec Emilio, Maria, Thierry, Anton et son épouse Nataliia, Sylvana et Anne, nous sommes allés jusqu’au Clos Landar, propriété de la famille de Philippe de Lyon, sur la commune de l’Arbresle à une vingtaine de kilomètres de Lyon. Le Clos Landar est la belle propriété dans laquelle Maître Philippe recevait ses proches, dont Papus. Grâce à Anne, nous savions qu’il était possible d’y accéder assez facilement, sans aucune effraction, bien sûr. Même si nous ne l’exprimions pas ainsi, portés par notre ferveur nous étions des pèlerins et nous allions nous recueillir sur un lieu encore animé.

Nous avions tous en tête cette photo de Maître Philippe entouré de fidèles disciples, Papus, Marc Haven, Paul Sédir, ainsi qu’un jeune martiniste, Pierre Bardy. Nous sommes entrés dans le jardin de la propriété comme nous l’aurions fait dans un lieu saint, d’ailleurs nous entrions dans un lieu saint, avec respect et solennité afin de retrouver la présence de Maître Philippe, mais aussi celle de Papus. Chacun a découvert le jardin de la propriété, selon ce qu’il ressentait, puis s’est uni par le cœur avec les maîtres du lieu, et c’est tout naturellement que nous nous sommes retrouvés sur les marches du perron dans la même pose que nos Anciens, et c’est tout aussi naturellement qu’Emilio s’est retrouvé à la même place que celle occupée par Papus plus de 120 ans auparavant. Je mesure encore aujourd’hui la chance qui a été la nôtre ce jour là de vivre cet instant unique, d’être présents à cet endroit de transmission entre Maître Philippe et Papus. Ce fut un vrai cadeau.

Comme très souvent lors d’un pèlerinage chacun rapporte un souvenir. Pour quelques-uns ce furent des photos, une pierre, un morceau de bois, pour moi, ce fut un petit morceau détaché d’une marche cassée du perron. Pour une Sœur, ce fut une jeune pousse de pervenche aperçue parmi les broussailles qu’elle arracha précautionneusement et qu’elle replanta à son retour, on l’imagine aisément avec beaucoup d’amour, sur sa terrasse parisienne. La pousse a bien pris, s’est développée, mais sans toutefois fleurir. Or, le Dimanche des Rameaux de l’année suivante un unique bouton de fleur apparut. Le Dimanche des Rameaux, jour où des fleurs, des prières, des demandes ou remerciements, viennent mourir auprès de la tombe de Maître Philippe, et ce jour-là une petite pervenche bleu-mauve s’est ouverte sous les rayons du soleil de Paris. Elle dura quelques jours. Notre Sœur la laissa faner sur place, incapable de la couper. C’était un cadeau de la nature. Depuis, cette plante, qui continue de pousser, n’a plus refleuri. Ce matin, je devrais plutôt dire n’avait plus refleuri car notre Sœur vient de me dire qu’avant-hier une deuxième fleur avait fait son apparition. Touchée par cette nouvelle floraison la veille des journées Papus, notre Sœur, nous l’imaginons bien, l’a coupée religieusement juste avant de nous rejoindre, l’a apportée jusqu’ici avec le plus grand soin, puis l’a délicatement posée il y a juste quelques instants sur cette tombe. A chacun d’attribuer à cette petite pervenche et aux dates de ses deux éclosions, un sens ou un message.

Chers amis, chères Sœurs, chers Frères, je suis très heureux d’exprimer devant vous la joie qui est la mienne aujourd’hui de cheminer sur la voie qui nous été ouverte par Papus, qui m’a été ouverte par Papus. C’est avec une profonde gratitude que mon cœur reçoit l’Esprit de ce que notre Maître nous a transmis. Mais ce présent m’oblige car il n’est pas que pour moi. Il implique que je sois, sans cesse, son serviteur pour que, selon les propres mots de Papus, je répande partout la Lumière que j’ai reçue.

Chers amis, chères Sœurs, chers Frères, merci pour votre écoute.

Christian G.

Notes

  1. Pour trouver la tombe de Papus au Père Lachaise : descendre au métro Gambetta et entrer par la porte Gambetta (avenue du Père Lachaise). Une fois la porte franchie tourner à gauche et suivre la grande allée. A l'intersection des 89ème et 93ème divisions tourner à droite et remonter l'allée centrale en comptant 32 tombes (à main gauche). Passer entre la 32ème tombe (famille Aubert) et la 33ème (famille Beauvais), suivre la petite allée et l'on trouvera la tombe de Papus, à main droite, à la 38ème tombe.